AFP/ERIC FEFERBERG"Cette rencontre est assurément peu judicieuse et blesse non seulement les sentiments des Chinois, mais mine aussi les relations sino-françaises", écrit Chine Nouvelle
"Pour la Chine, la France est le maillon faible de l'Europe"
LEMONDE.FR 04.12.08 20h56 • Mis à jour le 05.12.08 12h29
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2008/12/04/pour-la-chine-la-france-est-le-maillon-faible-de-l-europe_1127070_3216.html
Après avoir renoncé à rencontrer le dalaï-lama en août à Paris, Nicolas Sarkozy a finalement annoncé qu'il rencontrerait le chef spirituel tibétain en Pologne samedi 6 décembre. Réplique immédiate de Pékin : le sommet Chine-UE, prévu le 1er décembre à Lyon, a été annulé. Jeudi, la Chine a été plus loin, menaçant Paris de mesures de rétorsion économique. Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques, et spécialiste de la Chine, explique les raisons de l'intransigeance de Pékin.
Comment se fait-il que la question tibétaine soit devenue si vive qu'elle suffit à Pékin pour annuler un sommet Chine-UE ?
Le problème du dalaï-lama est un prétexte. La Chine tape sur la France mais, en réalité, ce qu'elle n'aime pas c'est l'Europe unie. Les hommes politiques chinois ont l'impression de gérer dans le bilatéralisme, sauf avec les Etats-Unis, mais ils sont conscients qu'ils ne savent pas gérer dans un contexte multilatéral. Or les Français leur ont fait très peur quand ils ont obtenu l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine, fin 1989, en réponse au massacre de Tiananmen. Depuis, les Chinois cherchent où enfoncer le coin pour faire éclater une Europe qui les gêne, parce qu'elle leur imposera des quotas, les obligera à réévaluer le yuan, etc. Et il se trouve qu'ils ont trouvé où le coin allait rentrer. Gordon Brown et Angela Merkel peuvent recevoir le dalaï-lama et ne pas se rendre à la cérémonie d'ouverture des JO. Le gouvernement polonais peut se permettre d'inviter officiellement le dalaï-lama... La question n'est pas là, il s'agit de taper sur le maillon faible.
La France est donc le maillon faible ?
Oui, et ce, historiquement. Dans mon escadron, à l'armée, on avait l'habitude de dire : "On tape toujours sur le même, comme ça y en a qu'un qui gueule." On est exactement dans la même configuration : la Chine tape toujours sur le même, et en plus elle a la chance qu'en ce moment, il se trouve en haut du dispositif – la présidence de l'UE. C'est merveilleux !
Cela remonte à loin. Les diplomates français ont de tout temps été fascinés par la Chine et en ont une vision totalement déconnectée de la réalité. Nous sommes persuadés qu'il faut être gentils avec les Chinois pour que les Chinois soient gentils en échange. Parmi les pays ayant joué un grand rôle au niveau mondial, le nôtre est celui qui s'est montré le plus faible vis-à-vis de la Chine. Nous sommes ainsi considérés comme un pays femelle, faible et qui change tout le temps d'avis. Or la Chine ne respecte que la force.
L'attitude de Paris depuis le passage de la flamme olympique n'a pas dû arranger cette image...
La France s'est lancée dans un concours d'excuses alors qu'elle n'y était pour rien. Des excuses qui s'inscrivent en outre dans la droite ligne de la tradition diplomatique chinoise : historiquement, un pays vassal marque sa soumission à Pékin en envoyant un émissaire chargé de porter un cadeau. Et que fait Sarkozy ? Il envoie Raffarin, un ambassadeur tout désigné, porter une biographie du général de Gaulle à Pékin.
Comment les Chinois ont-ils interprété ce geste ?
Ils n'ont pas eu à l'interpréter ! Pour eux, c'est extrêmement clair : la France est un pays vassal. Et il sera très difficile de revenir en arrière. On a déjà essayé par le passé : en 1993, Balladur avait envoyé un émissaire, George Friedman, déclarer à Pékin que la France ne reconnaissait qu'une seule Chine, afin de se réconcilier après l'embargo sur les armes initié par la France en 1989. Nous n'y avons gagné que du mépris.
Comment rétablir des relations plus saines avec la Chine ?
Il y a heureusement beaucoup de gens en Europe qui commencent à comprendre que la Chine n'est pas un pays ami. C'est un pays égoïste qui a des rapports rugueux avec le reste du monde, avec lequel il faut prendre un peu de distance. Cela s'est ressenti dans les premières déclarations européennes après l'annulation du sommet Chine-UE : Manuel Barroso a commencé par expliquer que le problème concernait toute l'Europe, pas seulement la France, et surtout qu'il y avait un problème du côté chinois. La Chine attend maintenant de voir si Sarkozy ira bien voir le dalaï-lama en Pologne. Elle teste la solidité de l'Europe, pas de la France : si elle impose des mesures de rétorsion bilatérales contre la France et que les Européens laissent faire, elle aura tout gagné. Mais si la France se retranche derrière l'Europe et que l'UE reste solidaire, ça se passera très bien. Si l'Europe faiblit, la Chine pourra piétiner tous les pays européens l'un après l'autre, sauf la Grande-Bretagne, qui ne se laissera jamais faire.
Propos recueillis par Soren Seelow
附法广摘译
RFI:法国学者:对于中国,欧洲需要保持距离
发表日期 05/12/2008 更新日期 05/12/2008 20:57 TU
中国政府一再就法国总统是否会见达赖喇嘛特别向法国施加压力促使法国学者重新思考法中关系。
法国国际战略研究所研究员布里策(Jean-Vincent Brisset)接受《世界报》采访时指出,法国外交家们一直为中国所吸引,对中国的判断同现实完全脱钩。我们认为只要对中国人友好,中国就会给我们应有的回报。同世界其他较有影响的大国比较,法国是对中国最为软弱的国家。因此,法国被中国看成一个软弱和柔性的国家,而且总是在改变主意。然而,中国只承认力量。
当《世界报》记者提出如何修补同中国的关系的问题时,布里策表示:幸运的是,目前已经有很多欧洲国家看到,中国并不是一个可以当作朋友的国家。这是一个自私的国家,他同外界的关系是缺乏礼仪的。对于这样一个国家,欧洲需要保持距离。这一情况可以从欧洲联盟委员会主席巴罗佐的声明中看出来,他认为中国虽然声称是针对法国,但却是针对全体欧洲的。现在如果欧洲见到中国制裁法国而不作出反应,中国就取得了完全的胜利。如果法国以欧洲作为屏障,欧洲支持法国,问题就不会太严重。如果中国获胜,欧洲国家就会一个一个被踩在脚下,任其蹂躏。只有一个国家是例外,那就是英国,英国绝不会任人践踏。
France/Chine - "Le dalaï lama, un prétexte pour diviser l'Europe"
le 05/12/2008 - 16h42
Jean-Vincent Brisset est directeur de recherches à l'Institut des relations internationales et stratégiques. Il a notamment occupé le poste d'attaché militaire à l'ambassade de France en Chine pendant trois ans.
http://tf1.lci.fr/infos/monde/asie/0,,4182832,00-le-dalai-lama-un-pretexte-pour-diviser-l-europe-.html
LCI.fr : Le dalaï lama a déjà rencontré des dirigeants étrangers, notamment Bush, Brown ou Merkel. Pourquoi la Chine fait-elle une fixation sur la France et Sarkozy ?
Jean-Vincent Brisset : Même s'il y avait bien sûr des contentieux, notamment économiques, entre les deux pays, il n'y avait pas de fixation avant l'affaire du passage de la flamme olympique à Paris. Pour comprendre pourquoi ils appuient sur la France désormais, il faut connaître la mentalité des Chinois : ils marchent au rapport de force. Quand Bush, Brown ou Merkel rencontrent le dalaï lama, ils le disent clairement, ne changent pas d'avis et ne cherchent pas à s'excuser. Leur politique vis-à-vis de la Chine est donc stable.
Or celle de la France a toujours été changeante. Par exemple en 1993, quand on a vendu des armes à Taïwan, on a multiplié les excuses. C'est interprété comme un aveu de faiblesse. Après le passage de la flamme, on a recommencé en envoyant trois délégations : tout d'abord une lettre d'excuse de l'ambassadeur, ensuite la visite de Raffarin avec un cadeau, et enfin celle du conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy.
Les Chinois ont alors considéré que la France était un pays faible et qu'elle avait fait preuve de vassalité à leur égard. Comme ils ont peur d'une Europe forte, ils ont trouvé son point faible, qui, cerise sur la gâteau, en est le président en exercice. Et ils prennent comme prétexte la rencontre avec le dalaï lama pour recommencer en tapant encore plus fort.
LCI.fr : L'an passé, lors de sa première visite en Chine, vous nous aviez expliqué que les Chinois craignaient Sarkozy (cliquez ici pour lire l'article). Ce n'est donc plus le cas ?
J.-V. B. : Tout à fait. Par rapport à Jacques Chirac, il est arrivé avec un nouveau mode de fonctionnement. En entrant à l'Elysée, il avait une image d'homme fort. Les Chinois le craignaient. Donc ils ont signé des contrats, comme ils le font à chaque fois lorsqu'ils craignent un dirigeant étranger. Aujourd'hui, la situation est totalement différente.
LCI.fr : Pourquoi la Chine a-t-elle peur de l'Europe ?
J.-V. B. : La Chine et l'UE ont beaucoup de contentieux économiques, comme la sous-évaluation du yuan, le déficit commercial à l'avantage de Pékin, les quotas ou encore la propriété intellectuelle et la contrefaçon. Face à une Europe unie, sa marge de manœuvre dans les discussions est limitée. Pour l'augmenter, elle doit donc la diviser car une Europe divisée ne réagit pas. Et elle a trouvé cette marge de manœuvre avec la France. Elle peut désormais très bien dire : "Si on ne vous achète pas d'Airbus, c'est à cause du Français". Les attachés commerciaux vont quant à eux faire jouer la concurrence entre la France et par exemple l'Espagne ou l'Italie. Bref, si l'Europe s'unit, elle s'en sortira. Sinon, ce sera coûteux pour tout le monde.
LCI.fr : En pleine crise économique, un nouveau boycott des produits français comme au printemps est-il envisageable alors qu'il touche souvent des employés chinois ?
J.-V. B. : Un boycott de Carrefour est une vitrine très facile et très pratique à mettre en place. Mais, avec le recul, il semble que le boycott du printemps dernier n'ait pas été si néfaste que prévu. Sur ce point, il faut aussi voir la raison cachée. La crise économique provoque une instabilité sociale. Il faut des boucs-émissaires. Le régime a trouvé le sien avec la France.
En fait, s'il y a un boycott, il concerna certainement les ventes d'armes -que la France a voulu relancer au contraire des autres pays européens- et les transferts de technologie. Mais il faut relativiser : les Chinois ont besoin de la France comme acheteurs, mais aussi comme vendeurs.
LCI.fr : Quelle sera la marge de manœuvre de la diplomatie française à partir de dimanche, au lendemain de la rencontre ?
J.-V. B. : Elle doit tout d'abord réagir de manière ferme sur le ton face aux éventuelles invectives. Surtout, elle doit se retrancher derrière l'Europe. Les Européens doivent faire passer le message qu'ils ne sont pas contents et qu'ils soutiennent la France. Si l'Europe l'aide et reste donc unie, la Chine cédera. José Manuel Barroso (ndlr : le président de la Commission européenne) est déjà allé dans ce sens.
France/Chine - "Les Chinois craignent Sarkozy"
le 23/11/2007 - 17h20
http://tf1.lci.fr/infos/monde/asie/0,,3632534,00-chinois-craignent-sarkozy-.html
LCI.fr : Comment les Chinois ont-ils suivi le début de mandat de Sarkozy et qu'attendent-ils de son voyage ?
Jean-Vincent Brisset : Cette visite d'Etat à l'un des membres du Conseil de sécurité de l'Onu est tout d'abord une étape obligée. Sarkozy connaît Brown et Bush, il est allé en Russie voir Poutine. Il ne lui restait plus que la Chine. Il s'agit donc d'une présentation mutuelle dont il ne faut pas attendre grand-chose sur le fond, sauf si Sarkozy choisit l'affrontement sur les sujets économiques comme la monnaie, les quotas ou les importations.
LCI.fr : Sarkozy entend justement parler des "sujets qui fâchent". Est-ce que cela s'accorde à la mentalité chinoise ?
J.-V. B. : Les dirigeants chinois ne font pas trop la différence entre Sarkozy et Chirac. Mais paradoxalement, il a plus de chance d'obtenir des résultats que son prédécesseur car les Chinois ne respectent que la force. Etant donné que Sarkozy agit généralement plus dans une logique de rapport de force que de claques dans le dos, il ne risque pas de se faire rouler dans la farine comme c'était le cas avec Chirac. Vu son caractère, il supporterait ainsi mal que les Chinois continuent de tricher face à l'Europe comme c'est le cas sur plusieurs sujets, diplomatiques ou économiques -Soudan, nucléaire iranien, jouets...
Les dirigeants chinois craignent notamment Sarkozy car il a à la fois permis de relancer l'Europe et qu'il a choisi de se tourner vers les Etats-Unis, contrairement à Chirac. Ils savent qu'il est influent en Europe. Ils ont peur d'une alliance avec Angela Merkel qui permettrait à l'UE de se mettre sur une seule et même ligne face à eux, puis ensuite un ralliement à la politique américaine. En fait, depuis toujours, les Chinois ont peur, à tort ou à raison, que se forme une alliance occidentale à leurs dépens.
"Les Droits de l'Homme, un copier-coller déjà prêt"
LCI.fr : Quels sont ces sujets qui fâchent ?
J.-V. B. : Ce sont surtout les sujets économiques. Le principal concerne la valeur du yuan. Si la visite se passe bien et qu'il n'y a pas de choc frontal, les Chinois devraient annoncer une petite réévaluation. Ensuite, il est fort probable que le problème de la contrefaçon, dont 70% provient de Chine, soit mis sur la table afin de défendre la propriété intellectuelle.
Pour la forme, le Darfour et le rôle de la Chine dans la crise -et plus globalement sa présence en Afrique en général- seront évoqués via une belle déclaration de principes. C'est aujourd'hui un passage obligé, comme l'étaient les Droits de l'Homme auparavant. Pour ces derniers, le copier-coller de la déclaration est sûrement toujours disponible à l'ambassade de la France. On nage sur ce point en plein dans le cynisme politique. Sarkozy devrait laisser aussi planer l'ombre de menaces sur le dossier nucléaire iranien.
LCI.fr : L'un des thèmes de la visite est l'environnement. Les Chinois seront-ils réceptifs aux demandes de la France ?
J.-V. B. : Sarkozy aborde le sujet car la France est le bon élève, c'est donc facile d'en parler et qu'il doit le faire s'il ne veut pas être critiqué par Nicolas Hulot à son retour. Mais c'est là encore plus une figure de style qu'autre chose.
LCI.fr : Est-ce une manière de ne pas braquer les Chinois alors que la visite doit permettre de leur vendre des contrats (ndlr : une quarantaine de patrons français accompagnent Nicolas Sarkozy) ?
J.-V. B. : En partie. Il faudra néanmoins relativiser les annonces qui vont être faites d'ici mardi. Elles sont parfois très différentes du nombre de pièces achetées ensuite dans les secteurs concurrentiels comme les avions ou la construction de centrales nucléaires. La vente de contrats doit aussi être interprétée en tenant compte de la mentalité chinoise. Généralement, quand les Chinois ont peur de vous, ils vous achètent des contrats.
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