Sarkozy rencontre le dalaï-lama en Pologne
Alain Barluet
06/12/2008 Mise à jour : 08:34
http://www.lefigaro.fr/international/2008/12/06/01003-20081206ARTFIG00297-sarkozy-rencontre-le-dalai-lama-en-pologne-.php
Avant de se rendre à Gdansk, le dalaï-lama a été reçu cette semaine, officiellement, à Bruxelles, à Prague ainsi qu'au Parlement européen (ci-dessus). Crédits photo : AFP
Le chef de l'État s'entretiendra avec le leader spirituel tibétain, en marge d'une réunion de Prix Nobel autour de Lech Walesa.
Selon l'Élysée, la colère suscitée à Pékin par la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le dalaï-lama n'a, à aucun moment, menacé de remettre en cause ce rendez-vous. Les deux hommes se verront donc, samedi après-midi à Gdansk, en Pologne, où le président de la République participera à un déjeuner de travail rassemblant neuf dirigeants européens. Au menu, un plat principal : l'ardu dossier du paquet énergie-climat que les Vingt-Sept espèrent boucler au Conseil européen, en fin de semaine prochaine.
Après ce déjeuner, le président de la République rejoindra le Philharmonique de Gdansk où il participera à une cérémonie organisée en l'honneur de Lech Walesa, pour le 25e anniversaire du prix Nobel de la Paix qui lui a été attribué en 1989. Devant de nombreux lauréats du prix (dont Bernard Kouchner au titre de Médecins sans frontières), Nicolas Sarkozy prononcera un discours d'hommage évoquant l'épopée du syndicat Solidarnosc et son legs pour la solidarité européenne. C'est à 16 h 30, à la suite de son intervention, que le chef de l'État s'entretiendra, en tête à tête, avec le dignitaire tibétain, pour une durée laissée à l'appréciation des deux hommes, indique-t-on à l'Élysée. Le programme officiel du président de la République prévoit néanmoins que celui-ci rejoigne l'aéroport de Gdansk à 17 heures.
La résonance entourant ce rendez-vous est surtout venue de Chine. Dès son annonce par Nicolas Sarkozy, le 13 novembre, Pékin a distillé des menaces à peine voilées. Le 26, les autorités chinoises annonçaient qu'elles reportaient le sommet prévu avec l'UE à Lyon, le 1er décembre, et la rencontre bilatérale organisée le lendemain. Cette semaine encore, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Jianchao, a affirmé que les relations commerciales avec la France pourraient souffrir de la rencontre. Par ailleurs, les appels à boycotter les produits hexagonaux, massifs durant la crise franco-chinoise du printemps dernier, ont refait leur apparition sur le Net.
Tournée européenne
Face à l'ire chinoise, Paris affiche la sérénité et réaffirme l'intérêt, pour les deux partenaires, de maintenir de bonnes relations tout particulièrement au moment où l'économie mondiale est en proie à une grave crise. «On n'a pas remarqué le moindre début de boycott de nos produits», assure-t-on à l'Élysée. «Nos deux économies souffrent (…) on se tient par la barbichette», ajoute-t-on en prenant pour exemple le groupe Carrefour, à la fois important employeur en Chine et premier acheteur de produits chinois en France.
On souligne aussi, à Paris, que la rencontre «n'a rien d'une surprise», le ministre des Affaires étrangères chinois en ayant été prévenu dès le mois de juin. Par ailleurs, plaide-t-on côté français, le rendez-vous de Gdansk intervient dans le cadre d'une tournée européenne du dalaï-lama qui aura été reçu par plusieurs chefs de gouvernement (Leterme à Bruxelles, Topolanek à Prague) ainsi qu'au Parlement européen.
Mais les autorités chinoises n'étaient manifestement pas prêtes à voir là des circonstances atténuantes. Habilement, Pékin a fait d'une pierre deux coups, concentrant ses récriminations sur un «partenaire stratégique», la France, au moment où celle-ci préside le Conseil européen. À Gdansk, Nicolas Sarkozy rencontre le dirigeant tibétain en tant que président français et chef de file des Européens. «C'est cette double casquette qui nous vaut d'être distingués de la sorte», concède-t-on dans l'entourage de Nicolas Sarkozy. Selon l'interprétation de Paris, l'«agacement plus fort que d'habitude des Chinois» s'explique pour deux raisons. D'une part, «ils pensaient que nous avions la capacité de “maintenir l'ordre” en Europe», analyse-t-on à l'Élysée. Or, ajoute-t-on, «nous ne sommes pas le maître d'école de la classe européenne, chacun est libre». D'autre part, «il y a peut-être une overdose de la promotion des droits de l'homme dans l'UE sous présidence française», ajoute-t-on. Les eurodéputés s'apprêtent à décerner, le 17 décembre, le prix Sakharov des droits de l'homme à Hu Jia, le plus connu des dissidents chinois. C'est manifestement la goutte qui a fait déborder le vase.
Dalai-lama : la menace savamment dosée de Pékin
De notre correspondant à Pékin, Arnaud de La Grange
05/12/2008 Mise à jour : 15:08
La Chine, qui a mis en garde Nicolas Sarkozy sur les conséquences de sa rencontre samedi avec le dalaï-lama, semble vouloir contenir la colère des internautes.
Tout laisse penser que Pékin, pour l'heure tout au moins, a choisi un subtil dosage de la menace vis-à-vis de la France. En quelques jours, les enchères sont montées graduellement, passant de l'évocation d'un nuage sur les relations bilatérales à l'esquisse de mesures de rétorsion commerciales. Mais à la différence de la crise du printemps dernier, les autorités ne semblent pas vouloir attiser l'ire chinoise sur Internet, et donnent même l'impression de vouloir la contrôler. C'est ainsi que le «ménage» semblait vendredi avoir été fait pour évacuer les cyber-diatribes les plus virulentes contre la France.
Depuis deux jours, le ministère des Affaires étrangères se plaît à rappeler que le peuple chinois est très «mécontent» de la position «erronée» de Paris sur le dalaï-lama, tout en appelant au calme. De fait, les flèches anti-françaises ont commencé à pleuvoir sur Internet, mais de manière beaucoup moins forte qu'au printemps. Le sujet «France» ne fait pas la Une des grands forums. Et les visites sur ces discussions anti-françaises se comptent en dizaines de milliers, pas en millions comme en avril. L'air de rien, toutefois, le très officiel quotidien China Daily a écrit vendredi - dans un article peu mis en valeur - qu'un «post anonyme» sur le site China.com avait publié une liste de 50 produits français à boycotter et qu'il avait reçu «100 000 visites». On y retrouvait, comme au printemps, un inventaire de marques de parfums, de voitures, d'alcools ou de produits de beauté. Mais ce «post» est vite devenu inaccessible, comme celui ayant fait circuler une pétition violemment anti-Sarkozy et les autres billets évoquant un boycottage des produits français.
Une part minoritaire mais non négligeable d'internautes, comme un certain «Dong», estiment d'ailleurs «que la brouille ne profitera à personne» en ces temps de crise mondiale et que «la Chine doit se concentrer sur ses problèmes économiques intérieurs». Un autre, plein de bon sens, fait remarquer que seule la réaction chinoise donne autant de surface médiatique au dalaï-lama. Les choses, bien sûr, peuvent changer. Les images venues de Gdansk, la présentation qui sera faite de la rencontre, peuvent faire passer d'une menace savamment dosée à une escalade dans les attaques.
Deux choses, en revanche, sont sûres. Le Tibet a bel et bien remplacé Taiwan comme pomme de discorde entre Chinois et occidentaux. Et parmi les occidentaux, les Français vont être pour longtemps le tambour sur lequel on frappe pour faire passer le message à l'ensemble du monde.
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